Je crois que j’ai enfin compris pourquoi Rashek m’en veut tellement. Il refuse de croire qu’un inconnu tel que moi – un étranger – puisse être le Héros des Siècles. Il croit que j’ai piégé les philosophes d’une manière ou d’une autre, que je porte à tort la marque du Héros.

D’après Rashek, seul un Terrisien de sang pur devrait être désigné comme le Héros. Curieusement, sa haine ne fait que renforcer ma détermination. Je dois lui prouver que je suis capable d’accomplir cette tâche.

 

27

 

Ce fut un groupe d’humeur sombre qui regagna la boutique de Clampin ce soir-là. Les exécutions s’étaient prolongées des heures. Il n’y avait eu ni accusation publique, ni explication de la part du Ministère ou du Seigneur Maître – rien qu’une infinie succession d’exécutions. Une fois tous les prisonniers morts, le Seigneur Maître et ses obligateurs étaient repartis, laissant un tas de cadavres sur l’échafaud et de l’eau sanglante coulant dans les fontaines.

Tandis que la bande de Kelsier regagnait la cuisine, Vin s’aperçut que sa migraine ne la dérangeait plus. Sa douleur paraissait désormais… insignifiante. Les galettes roulées restaient intactes sur la table, recouvertes par une domestique attentionnée. Personne ne fit mine de se servir.

— Bon, déclara Kelsier en s’installant à sa place habituelle, adossé au placard. Mettons les choses au point. Comment va-t-on s’y prendre ?

Dockson récupéra une pile de papiers près du mur en allant s’asseoir.

— Maintenant que la garnison est partie, notre objectif principal est la noblesse.

— Effectivement, acquiesça Brise. Si on compte réellement s’emparer du trésor avec seulement quelques milliers de soldats, alors il va presque certainement nous falloir quelque chose pour distraire les gardes du palais et empêcher les nobles de nous reprendre la ville. Donc, la guerre entre maisons passe avant tout.

Kelsier hocha la tête.

— Je suis entièrement d’accord.

— Mais qu’est-ce qui se passera quand la guerre aura pris fin ? demanda Vin. Certaines maisons sortiront gagnantes et il faudra qu’on s’en occupe.

Kelsier secoua la tête.

— Je n’ai pas l’intention que cette guerre se termine un jour, Vin – du moins, pas avant longtemps. Le Seigneur Maître crée les lois, et le Ministère maintient l’ordre parmi ses partisans, mais ce sont les nobles qui obligent les skaa à travailler. Donc, si nous faisons tomber suffisamment de maisons, le gouvernement risque de s’effondrer tout seul. On ne peut pas affronter l’Empire Ultime dans son ensemble – il est trop grand. Mais on devrait arriver à le morceler, puis à obliger les fragments à se battre entre eux.

— Il faut qu’on exerce une pression financière sur les Grandes Maisons, déclara Dockson en feuilletant ses papiers. L’aristocratie est avant tout une institution financière, et l’absence de fonds devrait suffire à briser n’importe quelle maison.

— Brise, nous allons peut-être devoir utiliser l’un de tes personnages, dit Kelsier. Jusqu’ici, j’ai été le seul de la bande à travailler à la guerre entre maisons – mais si on doit faire éclater cette ville avant le retour de la garnison, il va falloir accroître nos efforts.

Brise soupira.

— Très bien. Nous allons simplement devoir faire très attention à nous assurer que personne ne me reconnaisse accidentellement comme quelqu’un que je ne suis pas censé être. Je ne peux pas assister aux fêtes ou aux réceptions, mais je peux sans doute rendre visite aux maisons individuellement.

— Même chose pour toi, Dox, dit Kelsier.

— Je m’en doutais, répondit Dockson.

— Ce sera dangereux pour vous deux, dit Kelsier. Mais la vitesse sera capitale. Vin restera notre principale espionne – et on lui demandera sans doute de répandre de fausses informations. Tout ce qui peut déstabiliser les nobles est bon à prendre.

Ham hocha la tête.

— Si on arrive à faire passer les maisons les plus puissantes pour faibles, alors leurs ennemis seront plus prompts à frapper. C’est seulement après leur disparition que les gens comprendront que c’étaient elles, en réalité, qui soutenaient l’économie.

Le silence tomba un instant dans la pièce, puis plusieurs têtes se tournèrent vers Vin.

— Quoi ? demanda-t-elle.

— Ils parlent de la Maison Venture, Vin, dit Dockson. C’est la plus puissante des Grandes Maisons.

Brise hocha la tête.

— Si Venture s’effondre, tout l’Empire Ultime en ressentira les secousses.

Vin garda un instant le silence.

— Ils ne sont pas tous mauvais, dit-elle enfin.

— Possible, répondit Kelsier. Mais lord Straff Venture l’est sans aucun doute, et sa famille est l’une des plus influentes de tout l’empire. La Maison Venture doit disparaître – et tu es déjà en contact avec l’un de ses membres les plus importants.

Je croyais que vous vouliez que je garde mes distances par rapport à Elend, se dit-elle, contrariée.

— Contente-toi de tendre l’oreille, jeune fille, dit Brise. Et vois si tu arrives à faire parler ce garçon des finances de sa maison. Trouve-nous simplement un moyen de pression et on s’occupera du reste.

Exactement le genre de jeux qu’Elend déteste tellement. Mais le souvenir des exécutions était encore vif dans son esprit. Il fallait arrêter ce genre de choses. Par ailleurs, Elend disait lui-même qu’il n’aimait pas beaucoup son père et sa maison. Peut-être… peut-être qu’elle trouverait quelque chose.

— Je verrai ce que je peux faire, dit-elle.

On frappa à la porte d’entrée, et l’un des apprentis alla répondre. Quelques instants plus tard, Sazed – vêtu d’une cape de skaa pour masquer ses traits – entra dans la cuisine.

Kelsier consulta l’horloge.

— Vous êtes en avance, Saze.

— Je m’efforcerai d’en prendre l’habitude, Maître Kelsier, répondit le Terrisien.

Dockson haussa un sourcil.

— J’en connais d’autres qui feraient bien de la prendre.

Kelsier ricana.

— Quand on est toujours à l’heure, ça implique qu’on n’a jamais rien de mieux à faire. Comment se portent les hommes, Saze ?

— Aussi bien qu’on pourrait l’espérer, Maître Kelsier, répondit l’intendant. Mais ils ne pourront pas se cacher éternellement dans les entrepôts de Renoux.

— Je sais, dit Kelsier. Dox, Ham, je vais avoir besoin que vous travailliez à ce problème. Il reste deux mille hommes de notre armée ; je veux que vous les fassiez entrer à Luthadel.

Dockson hocha la tête, songeur.

— On va trouver un moyen.

— Tu veux qu’on poursuive leur entraînement ? demanda Ham.

Kelsier hocha la tête.

— Ensuite, il faudra les cacher par groupes, dit-il. Nous n’avons pas les ressources nécessaires pour les entraîner individuellement. Disons… deux ou trois cents hommes par équipe ? Cachés dans des ghettos, pas trop loin les uns des autres ?

— Assure-toi qu’aucun des groupes ne soit au courant de l’existence des autres, dit Dockson. Ni même qu’ils sachent qu’on a l’intention d’attaquer le palais. Avec autant d’hommes en ville, il y a un risque que certains d’entre eux finissent par être capturés par les obligateurs.

Kelsier hocha la tête.

— Dites à chaque groupe qu’il est le seul qu’on n’ait pas dispersé, et qu’on le maintient juste au cas où on en aurait besoin par la suite.

— Tu as dit aussi qu’il fallait poursuivre le recrutement, dit Ham.

Kelsier hocha la tête.

— J’aimerais avoir au moins deux fois plus d’hommes avant de faire une nouvelle tentative.

— Ça ne va pas être évident, dit Ham, compte tenu de l’échec de notre armée.

— Quel échec ? demanda Kelsier. Dites-leur la vérité que notre armée a réussi à neutraliser la garnison.

— Mais la plupart des hommes sont morts pour y arriver, répondit Ham.

— On peut cacher cette partie-là, proposa Brise. Les gens seront furieux pour les exécutions – ça devrait les rendre plus disposés à nous écouter.

— Rassembler d’autres hommes va être ta mission principale pour les mois à venir, Ham, dit Kelsier.

— Ça ne représente pas beaucoup de temps, objecta Ham. Mais je vais voir ce que je peux faire.

— Parfait, dit Kelsier. Saze, est-ce que le mot est arrivé ?

— En effet, Maître Kelsier, répondit Sazed en tirant de sous sa cape une lettre qu’il lui tendit.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Brise, curieux.

— Un message de Marsh, dit Kelsier, qui ouvrit la lettre et en parcourut le contenu. Il est en ville, et il a du nouveau.

— Du nouveau ? demanda Ham.

— Il ne précise pas, répondit Kelsier en s’emparant d’une galette. Mais il a donné des instructions pour un rendez-vous ce soir. (Il alla chercher une cape ordinaire de skaa.) Je vais aller explorer les lieux avant la tombée de la nuit. Vin, tu m’accompagnes ?

Elle hocha la tête et se leva.

— Vous autres, continuez à travailler à ce plan, dit Kelsier. Dans deux mois, je veux que cette ville soit dans un tel état de tension que même le Seigneur Maître ne sera pas capable de maintenir sa cohésion lorsqu’elle éclatera enfin.

 

— Il y a quelque chose que vous ne nous dites pas, hein ? demanda Vin en détournant le regard de la fenêtre et en se tournant vers Kelsier. Une partie du plan.

Kelsier se tourna pour la regarder dans le noir. Le lieu de rendez-vous choisi par Marsh était un bâtiment abandonné au cœur des Tortillons, l’un des quartiers skaa les plus pauvres. Kelsier avait localisé un deuxième bâtiment abandonné en face de celui où ils le retrouveraient, et Vin et lui attendaient au dernier étage, guettant Marsh dans la rue.

— Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? répondit enfin Kelsier.

— À cause du Seigneur Maître, dit Vin en arrachant le bois pourri de son appui de fenêtre. J’ai senti sa puissance aujourd’hui. Je ne crois pas que les autres l’aient perçue, pas comme un Fils-des-brumes peut le faire. Mais je sais que vous, si. (Elle leva les yeux pour croiser le regard de Kelsier.) Dites, vous comptez toujours le faire sortir de la ville avant qu’on essaie de s’emparer du palais ?

— Ne t’inquiète pas pour le Seigneur Maître, dit Kelsier. Le Onzième Métal s’en occupera.

Vin fronça les sourcils. Dehors, le soleil se couchait avec une ardente lueur de frustration. Les brumes apparaîtraient bientôt, et Marsh arriverait sans doute peu après.

Le Onzième Métal, songea-t-elle en se rappelant le scepticisme avec lequel les autres membres de la bande le considéraient.

— Il existe vraiment ? demanda-t-elle.

— Le Onzième Métal ? Évidemment – je te l’ai montré, rappelle-toi.

— Ce n’est pas ce que je veux dire, répondit-elle. Les légendes sont vraies ? Ou est-ce que vous mentez ?

Kelsier se tourna vers elle, fronçant légèrement les sourcils. Puis il afficha un petit sourire narquois.

— Tu es quelqu’un d’extrêmement direct, Vin.

— Je sais.

Le sourire de Kelsier s’accentua.

— La réponse est non. Je ne mens pas. Les légendes sont authentiques, même s’il m’a fallu du temps pour les trouver.

— Et ce morceau de métal que vous nous avez montré, c’était vraiment le Onzième ?

— Je crois bien, répondit Kelsier.

— Mais vous ne savez pas comment vous en servir.

Kelsier hésita, puis secoua la tête.

— Non, je ne sais pas.

— Ce n’est pas très rassurant.

Kelsier haussa les épaules et se retourna pour regarder par la fenêtre.

— Même si je ne découvre pas le secret à temps, je doute que le Seigneur Maître représente un aussi gros problème que tu le penses. C’est un allomancien puissant, mais il n’est pas omniscient – sinon nous serions déjà morts. Il n’est pas omnipotent non plus – sinon, n’aurait pas eu besoin d’exécuter tous ces skaa pour essayer de soumettre la ville par la terreur.

» Je ne sais pas ce qu’il est – mais je crois qu’il est davantage un homme qu’un dieu. Les mots de ce journal… ce sont ceux d’une personne ordinaire. Son véritable pouvoir lui vient de ses armées et de sa fortune. Si on les lui retire, il ne pourra rien faire pour empêcher son empire de s’effondrer.

Vin fronça les sourcils.

— Ce n’est peut-être pas un dieu, mais… Il est différent, Kelsier. Il est unique. Aujourd’hui, quand il était sur cette place, je le sentais influencer mes émotions alors même que je brûlais du cuivre.

— Ce n’est pas possible, Vin, répondit Kelsier en secouant la tête. Autrement, les Inquisiteurs pourraient détecter l’allomancie même en présence d’un Enfumeur. Si c’était le cas, tu ne crois pas qu’ils traqueraient tous les Brumants skaa pour les tuer ?

Vin haussa les épaules.

— Tu sais que le Seigneur Maître est puissant, dit Kelsier, et tu as l’impression que tu devrais sentir son influence en permanence. Alors tu la ressens.

Peut-être qu’il a raison, se dit-elle en retirant un autre fragment de l’appui de fenêtre. Après tout, il est allomancien depuis bien plus longtemps que moi.

Mais… j’ai ressenti quelque chose, non ? Et l’Inquisiteur qui a failli me tuer – j’ignore comment, mais il m’avait retrouvée malgré la pluie et l’obscurité. Il a dû percevoir quelque chose.

Malgré tout, elle n’insista pas.

— Ce Onzième Métal… On ne pourrait pas simplement le tester pour voir ses effets ?

— Ce n’est pas si simple, dit Kelsier. Tu te rappelles que je t’avais dit de ne jamais brûler de métal qui ne fasse pas partie des dix ?

Vin hocha la tête.

— Brûler un autre métal peut se révéler mortel, poursuivi : Kelsier. Même obtenir le mauvais mélange dans un alliage peut te rendre malade. Si je me trompe au sujet du Onzième Métal…

— Ça vous tuera, dit doucement Vin.

Kelsier hocha la tête.

Alors vous n’êtes pas aussi sûr que vous voulez le faire croire décida-t-elle. Autrement, vous auriez déjà essayé.

— C’est ça que vous cherchez dans le journal, dit Vin. Un indice sur la façon d’utiliser le Onzième Métal.

Kelsier hocha la tête.

— Malheureusement, je crois qu’on n’a pas eu beaucoup de chance de ce point de vue. Jusqu’ici, le journal ne parle même pas d’allomancie.

— Mais il parle de ferrochimie, souligna Vin.

Kelsier la mesura du regard tandis qu’il s’appuyait d’une épaule contre le mur près de la fenêtre.

— Alors Sazed t’en a parlé ?

Vin baissa les yeux.

— Je… l’y ai plus ou moins obligé.

Kelsier gloussa de rire.

— Je me demande ce que j’ai relâché dans le monde en t’enseignant l’allomancie. Évidemment, mon formateur disait la même chose de moi.

— Il avait des raisons de s’inquiéter.

— Bien entendu.

Vin sourit. Dehors, la lumière du soleil avait presque disparu et des nappes de brume diaphanes se formaient dans les airs. Elles planaient comme des fantômes grandissant lentement, étendant leur influence à mesure qu’approchait la nuit.

— Sazed n’a pas eu le temps de m’apprendre grand-chose sur la ferrochimie, dit prudemment Vin. Qu’est-ce qu’elle fait exactement ?

Elle attendit avec une certaine appréhension, persuadée que Kelsier allait percer son mensonge à jour.

— La ferrochimie est entièrement interne, répondit Kelsier sans paraître le remarquer. Elle peut fournir certaines des caractéristiques que nous obtenons grâce au potin et à l’étain – la force, l’endurance, la vue –, mais chaque attribut doit être emmagasiné séparément. Elle peut également intensifier beaucoup d’autres choses – dont l’allomancie est incapable. La mémoire, la vitesse physique, la capacité de réflexion… même des choses étranges, comme le poids ou l’âge physique, peuvent être modifiées par la ferrochimie.

— Alors elle est plus puissante que l’allomancie ? demanda Vin.

Kelsier haussa les épaules.

— La ferrochimie n’a pas de pouvoirs externes – elle ne peut pas manipuler les émotions, ni exercer de Poussées d’acier ou de Tractions de fer. Et la plus grande de ses limites est la nécessité d’emmagasiner toutes ses capacités en les puisant dans son propre corps.

» Tu veux être momentanément deux fois plus forte ? Alors tu dois t’affaiblir plusieurs heures afin de mettre ta force en réserve. Si tu veux emmagasiner la capacité de guérir rapidement, tu dois passer pas mal de temps à être malade. Avec l’allomancie, ce sont les métaux eux-mêmes qui nous servent de carburant – on arrive généralement à tenir tant qu’il nous reste assez de métal à brûler. Avec la ferrochimie, les métaux ne sont que des réservoirs – c’est ton propre corps le véritable carburant.

— Alors on se contente de voler les réserves métalliques des autres, c’est ça ? demanda Vin.

Kelsier fit signe que non.

— Ça ne marche pas – les ferrochimistes n’ont accès qu’à celles qu’ils ont eux-mêmes créées.

— Ah.

Kelsier hocha la tête.

— Donc, non. Je ne dirais pas que la ferrochimie est plus puissante que l’allomancie. Chacune a ses avantages et ses limites. Par exemple, un allomancien ne peut attiser un métal que jusqu’à un certain niveau, si bien que sa force maximale est restreinte. Les ferrochimistes n’ont pas ce genre de limites ; si un ferrochimiste a accumulé assez de force pour être deux fois plus fort qu’en temps normal pendant une heure, il peut choisir d’être plutôt trois fois plus fort pendant un intervalle plus bref – voire même quatre, cinq ou six fois plus fort pendant des intervalles encore plus brefs.

Vin fronça les sourcils.

— Ça m’a l’air d’un sacré avantage.

— C’est vrai, dit Kelsier, plongeant la main dans sa cape pour en tirer un flacon qui contenait plusieurs billes d’atium. Mais nous avons ça. Peu importe qu’un ferrochimiste soit aussi fort que cinq ou cinquante hommes si je sais ce qu’il s’apprête à faire, je vais le battre.

Vin hocha la tête.

— Tiens, dit Kelsier en débouchant le flacon pour en tirer une des billes. (Il sortit un autre flacon, rempli cette fois de la solution d’alcool habituelle, et l’y laissa tomber.) Prends-en une. Tu vas peut-être en avoir besoin.

— Ce soir ? demanda Vin en acceptant le flacon.

Kelsier hocha la tête.

— Mais c’est seulement Marsh.

— Peut-être, répondit-il. D’un autre côté, les obligateurs ont très bien pu le capturer et le forcer à écrire cette lettre. Peut-être qu’ils le suivent, ou qu’ils l’ont capturé depuis et torturé pour apprendre l’existence de ce rendez-vous. Marsh se trouve dans un endroit extrêmement dangereux – imagine quelque chose de similaire à ce que tu fais dans ces bals, mais en remplaçant tous les nobles par des obligateurs et des Inquisiteurs.

Vin frissonna.

— Je crois que vous avez raison, dit-elle en rangeant la bille d’atium. Vous savez, je ne dois pas tourner très rond : maintenant, je prends à peine le temps de me demander combien coûte ce truc.

Kelsier ne répondit pas immédiatement.

— Moi, j’ai du mal à oublier combien il coûte, dit-il doucement.

— Je…

Vin laissa sa phrase en suspens et baissa les yeux vers les mains de Kelsier. Désormais, il portait la plupart du temps des chemises à manches longues et des gants ; en raison de sa réputation, il devenait dangereux que ses cicatrices reconnaissables soient visibles en public. Mais Vin savait qu’elles étaient là. Comme des milliers de petites éraflures blanches, par couches superposées.

— Enfin bref, dit Kelsier, tu as raison au sujet du journal j’espérais qu’il mentionnerait le Onzième Métal. Mais l’allomancie n’est même pas citée en référence à la ferrochimie. Les deux pouvoirs sont semblables par bien des aspects ; on pourrait s’attendre à ce qu’il les compare.

— Il craignait peut-être que quelqu’un ne lise le livre, et il ne voulait pas lui révéler qu’il était allomancien ?

Kelsier hocha la tête.

— Peut-être. Il est également possible qu’il n’ait pas encore basculé à ce stade. Quoi qu’il ait pu se passer dans ces Montagnes de Terris, ça l’a transformé de héros en tyran ; il se peut que ça ait également réveillé ses pouvoirs. Nous n’en saurons rien, j’imagine, jusqu’à ce que Sazed ait terminé sa traduction.

— Il en est près ?

Kelsier hocha la tête.

— Il ne reste qu’un dernier fragment – espérons qu’il s’agisse de la partie importante. Pour l’instant, je suis un peu frustré par ce texte. Le Seigneur Maître ne nous apprend même pas ce qu’il est censé faire dans ces montagnes ! Il affirme qu’il accomplit quelque chose qui doit protéger le monde entier, mais c’est peut-être simplement son ego qui parle.

Il ne m’a pas semblé laisser particulièrement parler son ego dans ce texte, songea Vin. Plutôt même le contraire.

— Quoi qu’il en soit, reprit Kelsier, nous en saurons plus quand les parties restantes auront été traduites.

Il régnait dehors une obscurité croissante, et Vin dut accentuer son étain pour y voir correctement. Devant sa fenêtre, la rue devenait visible, adoptant l’étrange mélange d’ombre et de luminosité lié à la vision affinée par l’étain. Elle savait logiquement qu’il faisait sombre. Pourtant, elle y voyait clair. Pas comme à la lumière du jour – mais c’était néanmoins une forme de vision.

Kelsier consulta sa montre.

— Combien de temps ? demanda Vin.

— Encore une demi-heure, répondit-il. À supposer qu’il soit à l’heure – et j’en doute. Après tout, c’est mon frère.

Vin hocha la tête et se déplaça de manière à se tenir appuyée avec les bras croisés contre l’appui de fenêtre cassé. Malgré sa petite quantité, l’atium que lui avait donné Kelsier lui fournissait un certain réconfort.

Elle hésita. Penser à l’atium lui rappela quelque chose d’important. Qui l’avait tracassée à plusieurs occasions.

— Vous ne m’avez jamais enseigné le neuvième métal ! lui lança-t-elle, accusatrice, tout en se retournant.

Kelsier haussa les épaules.

— Je t’ai dit qu’il n’était pas très important.

— Quand même. Qu’est-ce que c’est ? Un alliage de l’atium, je suppose ?

Kelsier répondit par la négative.

— Non, les deux derniers métaux ne suivent pas le même schéma que les huit de base. Le neuvième métal, c’est l’or.

— L’or ? demanda Vin. C’est tout ? J’aurais pu essayer seule depuis longtemps !

Kelsier gloussa de rire.

— À supposer que tu l’aies voulu. Brûler de l’or, c’est une expérience qui met un peu… mal à l’aise.

Vin plissa les yeux, puis se retourna pour regarder par la vitre. On verra, se dit-elle.

— Tu vas essayer quand même, non ? dit Kelsier en souriant.

Vin ne répondit pas.

Kelsier soupira, plongea la main sous sa ceinture et en tira une castelle d’or ainsi qu’une lime.

— Tu ferais mieux de prendre ça, dit-il en lui tendant la lime. Cela dit, si tu prélèves un métal toi-même, brûles-en d’abord un minuscule fragment pour t’assurer qu’il est pur ou que l’alliage est correct.

— Et sinon ? demanda Vin.

— Tu le sauras, promit Kelsier qui entreprit de limer la pièce. Tu te rappelles ce mal de tête que t’a donné l’abus de potin ?

— Oui ?

— Avec le mauvais métal, c’est pire, dit Kelsier. Bien pire. Achète tes métaux quand tu le peux – dans chaque ville, tu trouveras un petit groupe de commerçants qui fournissent des métaux en poudre aux allomanciens. Ces marchands ont tout intérêt à s’assurer que tous leurs métaux sont purs – un Fils-des-brumes grincheux affligé d’une migraine n’est pas franchement le genre de client offensé avec lequel on a envie de traiter.

Kelsier termina de limer la pièce, puis recueillit quelques copeaux d’or sur un petit carré de tissu. Il en colla un au bout de son doigt, puis l’avala.

— Il est bon, dit-il en lui tendant le tissu. Vas-y – rappelle-toi simplement que brûler le neuvième métal est une expérience étrange.

Vin hocha la tête, éprouvant soudain une légère appréhension. Tu ne sauras jamais si tu n’essaies pas par toi-même, songea-t-elle, avant de laisser tomber dans sa bouche ces copeaux pareils à de la poussière. Elle les fit descendre avec une gorgée d’eau de sa gourde.

Une nouvelle réserve de métal apparut en elle – inconnue et différente des neuf qu’elle connaissait. Elle leva les yeux vers Kelsier, prit une inspiration et brûla de l’or.

Elle se retrouva à deux endroits à la fois. Elle se voyait elle-même, et elle se voyait elle-même.

L’une de ces deux versions d’elle était une femme inconnue, changée et transformée par rapport à la jeune fille qu’elle avait toujours été. Cette jeune fille-là était prudente et circonspecte – elle ne brûlerait jamais un métal inconnu sur la foi de la parole d’un seul homme. Cette femme était idiote : elle avait oublié une grande partie de ce qui l’avait aidée à survivre si longtemps. Elle buvait des boissons servies par d’autres. Elle fraternisait avec des étrangers. Elle ne surveillait pas son entourage. Elle demeurait bien plus prudente que la plupart des gens, mais elle avait tellement perdu.

L’autre version d’elle était quelque chose qu’elle avait toujours secrètement haï. Guère plus qu’une fillette. À la limite de la maigreur, elle était solitaire, haineuse et méfiante. Elle n’aimait personne et personne ne l’aimait. Elle se répétait toujours tout bas qu’elle s’en moquait. Existait-il des choses qui méritaient qu’on vive pour elles ? Il le fallait bien. La vie ne pouvait pas être aussi pitoyable qu’il y paraissait. Mais pourtant, elle l’était forcément. Il n’existait rien d’autre.

Vin était double. Elle se tenait en deux endroits simultanément, animait les deux corps, fillette et femme à la fois. Elle tendit des mains hésitantes, mal assurées – une chacune –, et chacune toucha l’autre au visage.

Vin fut saisie d’un hoquet, et l’effet disparut. Elle éprouva une soudaine bouffée d’émotion, un sentiment d’inutilité et de confusion. En l’absence de sièges dans cette pièce, elle s’accroupit simplement à terre, adossée au mur, et entoura de ses deux bras ses genoux ramenés contre sa poitrine.

Kelsier s’approcha d’elle et s’accroupit pour lui poser la main sur l’épaule.

— Tout va bien.

— Qu’est-ce que c’était ? murmura-t-elle.

— L’or et l’atium sont complémentaires, comme les autres paires de métaux, répondit Kelsier. L’atium te permet de voir un avenir tout proche. L’or a un fonctionnement similaire, mais il te permet de voir le passé. Ou du moins, il te laisse entrevoir une autre version de toi-même, si les choses avaient été différentes par le passé.

Vin frissonna. L’expérience d’incarner deux personnes à la fois, de se voir deux fois simultanément, avait été d’une étrangeté dérangeante. Son corps tremblait toujours et son esprit ne lui paraissait plus… tourner très rond.

Heureusement, la sensation paraissait s’estomper.

— Rappelez-moi de vous écouter à l’avenir, dit-elle. Du moins, quand vous parlez d’allomancie.

Kelsier gloussa.

— J’ai essayé de chasser ça de ton esprit le plus longtemps possible. Mais il fallait que tu essaies à un moment ou à un autre. Tu t’en remettras.

Vin hocha la tête.

— C’est… presque déjà passé. Mais ce n’était pas une vision, Kelsier. C’était réel. Je pouvais la toucher, l’autre moi.

— Ça donne peut-être cette impression, répondit Kelsier, mais elle n’était pas ici – moi, en tout cas, je ne la voyais pas. C’est une hallucination.

— Les visions dues à l’atium ne sont pas de simples hallucinations, dit Vin. Les ombres montrent réellement ce que les gens s’apprêtent à faire.

— C’est vrai, répondit Kelsier. Je n’en sais rien. L’or est étrange. Vin. Je crois que personne ne le comprend vraiment. Mon formateur, Gemmel, m’avait dit qu’une ombre d’or est quelqu’un qui n’a pas existé – mais qui aurait pu. Quelqu’un que tu aurais pu devenir si tu n’avais pas fait certains choix. Mais bien sûr, Gemmel était un peu tordu, alors je ne sais pas dans quelle mesure je peux croire ce qu’il m’avait dit.

Vin hocha la tête. Toutefois, il était peu probable qu’elle en découvre davantage sur l’or dans un futur proche. Elle ne comptait plus jamais en brûler si elle pouvait l’éviter. Elle resta assise, s’accordant le temps de se remettre de ses émotions, et Kelsier retourna près de la fenêtre. Il finit par s’animer.

— Il est là ? demanda Vin en se redressant.

Kelsier hocha la tête.

— Tu veux rester ici te reposer encore un moment ?

Vin fit signe que non.

— Bon, très bien, répondit-il en déposant sa montre, sa lime et les autres métaux sur l’appui de fenêtre. Allons-y.

Ils ne sortirent pas par la fenêtre – Kelsier voulut rester discret, bien que cette partie des Tortillons soit tellement déserte que Vin se demandait même pourquoi il prenait cette peine. Ils quittèrent le bâtiment par un escalier douteux, puis traversèrent la rue en silence.

Le bâtiment choisi par Marsh était encore plus délabré que celui dans lequel Vin et Kelsier avaient patienté. La porte d’entrée avait disparu, même si Vin en voyait des vestiges dans les débris reposant à terre. La pièce qui se trouvait de l’autre côté sentait la poussière et la suie, et elle dut réprimer un éternuement.

À l’autre bout de la pièce, une silhouette se retourna en les entendant.

— Kell ?

— C’est moi, dit Kelsier. Et Vin.

Tandis que Vin approchait, elle voyait Marsh plisser les yeux dans le noir. C’était étrange de l’observer en ayant l’impression d’être parfaitement visible, tout en sachant bien que Kelsier et elle-même n’étaient guère plus que des ombres. Le mur opposé du bâtiment s’était effondré et la brume flottait librement dans la pièce, presque aussi dense qu’à l’extérieur.

— Vous avez des tatouages du Ministère ! s’exclama Vin en regardant fixement Marsh.

— Évidemment, répondit-il d’une voix toujours aussi sévère. J’ai dû les faire faire avant de rejoindre la caravane. Il me les fallait pour tenir le rôle d’un acolyte.

Ils n’étaient pas complets – il incarnait un obligateur de bas rang – mais le motif était reconnaissable entre tous. Des lignes sombres, qui entouraient les yeux et s’en éloignaient en dessinant comme des éclairs. Une ligne unique, beaucoup plus épaisse et d’un rouge vif, lui traversait un côté du visage. Vin reconnut ce motif. C’étaient les marques d’un obligateur appartenant au Canton de l’Inquisition. Marsh n’avait pas simplement infiltré le Ministère, il avait choisi la partie la plus dangereuse.

— Mais vous les garderez à vie, fit remarquer Vin. Ils sont tellement reconnaissables – partout où vous irez, on vous prendra soit pour un obligateur, soit pour un imposteur.

— C’était une partie du prix qu’il a payé pour infiltrer le Ministère, Vin, expliqua doucement Kelsier.

— Aucune importance, dit Marsh. Avant ça, je n’avais pas une vie très intéressante, de toute façon. Écoutez, est-ce qu’on pourrait se presser ? Je suis bientôt attendu ailleurs. Les obligateurs ont des vies très remplies, et je ne dispose que d’une marge de quelques minutes.

— D’accord, dit Kelsier. Donc je suppose que ton infiltration s’est bien passée ?

— Très bien, répondit Marsh, laconique. Trop, même – je crains de m’être distingué du groupe. Je supposais que je serais désavantagé, comme je n’avais pas suivi les mêmes cinq années d’entraînements que les autres acolytes. Je me suis assuré de répondre aux questions le plus soigneusement possible, et de m’acquitter de mes devoirs avec précision. Mais il semblerait que j’en sache davantage au sujet du Ministère que certains de ses membres. Je suis certainement plus compétent que ce groupe de nouveaux arrivants, et les prélans s’en sont aperçus.

Kelsier gloussa.

— Tu as toujours été un bourreau de travail.

Marsh ricana tout bas.

— Enfin bref, mes connaissances – sans parler de mes talents de Traqueur – m’ont déjà valu une excellente réputation. Je ne sais pas dans quelle mesure je veux que les prélans s’intéressent à moi ; l’histoire que nous avons inventée ne paraît plus si solide quand un Inquisiteur vous met sur la sellette.

Vin fronça les sourcils.

— Vous leur avez dit que vous êtes un Brumant ?

— Évidemment, répondit Marsh. Le Ministère, et plus particulièrement le Canton de l’Inquisition, est avide de recruter des Traqueurs parmi la noblesse. Le fait que j’en sois un suffit à les empêcher de poser trop de questions sur mon passé. Ils sont déjà satisfaits de m’avoir, bien que je sois nettement plus âgé que la plupart des acolytes.

— Par ailleurs, ajouta Kelsier, il fallait qu’il leur dise qu’il était un Brumant pour qu’il puisse accéder aux sectes les plus secrètes du Ministère. La plupart des obligateurs de haut rang sont des Brumants de l’une ou l’autre catégorie. Ils ont tendance à favoriser leurs semblables.

— À juste titre, dit Marsh avec un débit rapide. Kell, le Ministère est bien plus habile qu’on ne le pensait.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Ils se servent de leurs Brumants, répondit Marsh. Avec une grande efficacité. Ils ont des bases dans toute la ville – des bases d’Apaiseurs, comme ils les appellent. Chacune contient deux ou trois Apaiseurs du Ministère dont la seule tâche consiste à exercer une influence apaisante autour d’eux, afin de calmer et d’étouffer les émotions de toutes les personnes qui se trouvent dans cette zone.

— Combien ? siffla Kelsier tout bas.

— Des dizaines, répondit Marsh. Concentrées dans les secteurs skaa de la ville. Ils savent que les skaa sont abattus, mais ils veulent s’assurer qu’ils le restent.

— Nom d’un chien ! s’exclama Kelsier. J’ai toujours trouvé que les skaa de Luthadel paraissaient plus abattus que les autres. Pas étonnant qu’on ait eu tant de mal à recruter. Les émotions du peuple sont en proie à un Apaisement constant !

Marsh hocha la tête.

— Les Apaiseurs du Ministère sont doués, Kell – très doués. Encore meilleurs que Brise. Ils ne font rien d’autre qu’apaiser toute la journée, tous les jours. Et comme ils ne cherchent pas à te pousser à faire quelque chose de précis – simplement à t’empêcher d’éprouver des émotions extrêmes –, ils sont très difficiles à remarquer.

» Chaque équipe possède un Enfumeur qui leur permet de rester cachés, ainsi qu’un Traqueur qui cherche les allomanciens de passage. Je parie que c’est là que les Inquisiteurs trouvent la plupart de leurs pistes – la plupart de nos hommes sont assez futés pour ne rien brûler quand ils savent qu’il y a un obligateur dans les parages mais ils sont moins prudents dans les ghettos.

— Tu peux nous procurer une liste de ces bases ? demanda Kelsier. Il faut qu’on découvre où se trouvent ces Traqueurs, Marsh.

Celui-ci hocha la tête.

— Je vais essayer. Je suis justement en route vers une base – ils effectuent toujours des changements de personnel la nuit, afin de protéger leur secret. Les autorités supérieures s’intéressent à moi et ils me laissent visiter certaines bases pour me familiariser avec leur travail. Je verrai si je peux t’obtenir une liste.

Kelsier hocha la tête dans le noir.

— Simplement… ne fais pas de bêtises avec ces informations promis ? demanda Marsh. Il faut qu’on soit prudents, Kell. Le Ministère garde le secret au sujet de ces bases depuis un bon moment. Maintenant que nous sommes au courant, nous avons un sérieux avantage. Ne le gaspille pas.

— Promis, répondit Kelsier. Et les Inquisiteurs ? Tu as découvert quoi que ce soit à leur sujet ?

Marsh resta un moment silencieux.

— Ils sont… étranges, Kell. Je ne sais pas. Ils paraissent tous posséder l’intégralité des pouvoirs allomantiques, et j’en déduis qu’ils ont dû être Fils-des-brumes autrefois. Je ne trouve pas grand-chose d’autre à leur sujet – je sais simplement qu’ils vieillissent.

— Ah oui ? demanda Kelsier avec intérêt. Donc ils ne sont pas immortels ?

— Non, répondit Marsh. Les obligateurs affirment que les Inquisiteurs changent de temps en temps. Ces créatures vivent très longtemps et finissent par mourir de vieillesse. Il faut en recruter de nouveaux parmi les rangs des nobles. Ce sont des gens, Kell – simplement, ils ont été… transformés.

Kelsier hocha la tête.

— S’ils peuvent mourir de vieillesse, il doit exister d’autres manières de les tuer.

— C’est ce que je me dis, répondit Marsh. Je verrai ce que je peux trouver, mais n’espère pas trop. Les Inquisiteurs ne traitent pas souvent avec des obligateurs ordinaires – des tensions politiques règnent entre les deux groupes. Le grand prélan dirige l’Église, mais les Inquisiteurs estiment que ce sont eux qui devraient en avoir la charge.

— Intéressant, déclara lentement Kelsier.

Vin entendait presque son cerveau digérer ces nouvelles informations.

— Enfin bref, je dois y aller, dit Marsh. J’ai dû me presser pour arriver ici, et je vais quand même être en retard à mon rendez-vous.

Kelsier hocha la tête et Marsh fit mine de s’en aller, contournant les gravats dans sa sombre robe d’obligateur.

— Marsh, lança Kelsier tandis que son frère atteignait la porte.

Marsh se retourna.

— Merci, dit Kelsier. Je n’imagine même pas à quel point ça doit être dangereux.

— Je ne fais pas ça pour toi, Kell, répliqua Marsh. Mais… j’apprécie. J’essaierai de t’envoyer une autre missive quand j’aurai plus d’informations.

— Sois prudent, dit Kelsier.

Marsh disparut dans la nuit brumeuse. Kelsier resta quelques instants debout en silence dans cette pièce en ruine, regardant fixement la direction où était parti son frère.

Il ne mentait pas sur ça non plus, songea Vin. Il tient réellement à Marsh.

— Allons-y, dit Kelsier. On ferait mieux de te ramener au Manoir Renoux – la Maison Lekal donne une nouvelle fête dans quelques jours, et il faudra que tu y assistes.

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